Aller au contenu

Les litiges entre vendeurs et acquéreurs sont courants. Notamment, on observe un nombre important de situations dans lesquelles une « promesse » est signée, la condition résolutoire remplie (par exemple le prêt est obtenu par l’acquéreur)….mais l’acheteur ne signe pas l’acte authentique.

Acquéreur : votre refus de signer l’acte authentique peut être parfaitement légitime : séparation, décès du conjoint…mais il n’est pas pour autant opposable au vendeur.

Vendeur :  vous pensiez être « tranquille » une fois la « promesse » signée, mais le refus de l’acquéreur de signer vous met en difficulté : vous ne savez plus quand votre bien peut-être remis à la vente, mais devez pourtant continuer à en régler les charges (charges courantes, crédit, impôts, taxes, etc…).

Cet article a donc vocation à attirer votre attention sur certaines précautions à prendre au moment de la signature de la promesse, afin de limiter les mauvaises surprises de part-et d’autre.

A/ Mes Conseils

 

Conseil n° 1 : Propriétaire Vendeur ou Acquéreur : faites appel à un Notaire dès la signature de la « promesse » !

En premier lieu, sachez que la rédaction de la « promesse » par un Notaire, professionnel du Droit, ne vous coûterait pas plus cher que si vous lui confiez uniquement la rédaction de l’acte authentique.

En outre, le Notaire ne pourra pas omettre de procéder aux publications légales nécessaires dès la signature de la promesse.

 

Conseil n° 2 : dans le mandat que vous donnerez à l’agence immobilière à qui vous confierez la mise en vente de votre bien, précisez que la « promesse » sera signée chez un Notaire, dont vous lui indiquerez le nom.

A défaut, faites relire la « promesse » par votre Avocat.

 

Conseil n°3 : Acquéreur : il apparaît plus prudent de désigner « son » propre Notaire, qui rédigera et agira au mieux de vos intérêts. D’autant plus que dans cette hypothèse, les frais ne sont pas additionnés avec les frais de Notaire de l’acquéreur, mais partagés.

A défaut, faites relire la « promesse » par votre Avocat.

 

Conseil n°4 : si vous souhaitez toutefois confier la rédaction de la « promesse » à votre agent immobilier, ET DANS TOUS LES CAS, vérifiez la qualification de l’acte : s’agit-il d’une promesse de vente unilatérale ou synallagmatique ?

 

Remarque : en cas de litige, le Juge n’est pas tenu par la qualification juridique de l’acte mais par l’intention commune des parties, d’où l’intérêt de confier la rédaction de la « promesse » à un professionnel du droit.

 

Vérifiez également la rédaction des conditions suspensives : si l’acte prévoit qu’un congé du locataire occupant doit-être donné avant une certaine date, une information verbale du propriétaire à l’agence suffit-elle, le congé doit-il être adressé en copie à l’agence, sous quelle forme (mail, lettre RAR) ?

 

B/ Pourquoi ?

  • Sur la distinction entre une indemnité d’immobilisation et une « clause pénale »

En cas de défaillance de l’acquéreur, qui refuserait de signer l’acte authentique malgré la réalisation des conditions suspensives, ou qui n’effectuerait pas les démarches pour remplir ces conditions (par exemple, tenter d’obtenir un crédit pour le financement du bien) il est souvent prévu que l’acquéreur devra vous régler une « indemnité d’immobilisation » ou « clause pénale » représentant généralement 10% du montant de la vente.

Or, une clause pénale peut être réduite par le Juge, même d’office (c’est-à-dire sans que cela lui soit demandé) s’il estime que son montant est disproportionné par rapport à votre préjudice réel, conformément à l’article 1231-5 du Code civil.

Et une clause pénale de 10% du montant de la vente peut être qualifiée d’excessive par le Juge.

Le Juge tiendra alors compte du temps supplémentaire qu’il vous aura fallu pour effectivement vendre votre bien, ainsi que son éventuelle baisse de prix.

Ainsi, si vous revendez votre bien en trois mois et au même prix, il est quasiment certain que la pénalité prévue sera réduite par le Juge.

Ce sera à fortiori le cas lorsque la « seconde vente » pourra se faire à un prix supérieur à la « première vente » non réalisée (Cour de cassation, 3ème Chambre civile, 6 novembre 2012, pourvoi n°11-25.656).

A l’inverse, « l’indemnité d’immobilisation ne constitue pas un dédit mais une indemnité compensatrice forfaitaire attribuée au vendeur » et de ce fait, ne peut pas être réduite par le Juge, puisqu’elle est différente d’une clause pénale (Cour de cassation, 3ème Chambre civile, 5 novembre 2013, pourvoi n°11-28.383)

Le choix du rédacteur de l’acte, d’évoquer une « indemnité d’immobilisation » ou une « clause pénale » a donc des conséquences non négligeables pour le vendeur et l’acquéreur défaillant.

La rédaction est d’autant plus délicate qu’en réalité, même une clause prévoyant une « indemnité d’immobilisation » peut être considérée par le Juge comme une clause pénale, dès lors que : « la stipulation, fût-elle improprement qualifiée d’indemnité d’immobilisation, avait pour objet de faire assurer par l’acquéreur l’exécution de son obligation de diligence ».

En effet, « la clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l’exécution d’une convention, s’engage à quelque chose en cas d’inexécution » (Cour de cassation, 3ème Chambre civile, 24 septembre 2008, pourvoi n°07-13989).

 

  • « Compromis de vente », « promesse unilatérale » ou « promesse synallagmatique »

L’intitulé de l’acte précédant la signature de l’acte authentique varie en fonction des cas. Il peut s’agir d’un « compromis de vente », d’une « promesse » ou encore, « vente de biens et droits immobiliers sous condition suspensive »…

Toutefois, la précision sur la qualification de l’acte et notamment la distinction entre une promesse de vente, ou d’achat, unilatérale ou synallagmatique (équivalente au « compromis ») n’est pas sans conséquences.

En effet, lorsque le vendeur s’engage à vendre son bien à un acquéreur défini à un prix déterminé et que les parties prévoient un délai pendant lequel l’option de vente doit être levée par le bénéficiaire de la promesse pour qu’il y ait vente, on parle alors de promesse unilatérale de vente.

Ainsi, l’indemnité d’immobilisation vient en compensation de son préjudice en cas d’échec de la vente.

C’est pourquoi le risque de voir requalifier une indemnité de résiliation en clause pénale (voir explications ci-dessus) est moindre lorsque la vente a été organisée sous le régime de la promesse unilatérale, que dans le cadre d’une promesse synallagmatique (obligations réciproques) autrement dénommé « compromis » de vente.

Pour des actes aux intitulés juridiques ambigus (comme « vente de biens et droits immobiliers sous condition suspensive ») votre Avocat aurai intérêt à argumenter en faveur de l’une ou l’autre des qualifications, au regard de votre intérêt.

En outre, bien souvent, le montant de l’indemnité d’immobilisation fixé dans l’acte de promesse est supérieur à la somme placée sous séquestre, laquelle représente généralement la moitié de l’indemnité de résiliation (et dont l’objet est parfois différent).

 

Or, dans tous les cas, sachez qu’il faudra agir en justice pour obtenir la restitution de la somme placée sous séquestre, outre, le cas échéant, le solde de l’indemnité de résiliation.

Comme pour tout litige, vous devrez alors passer par une phase de tentative de négociation amiable.

Bien entendu, de la qualité de rédaction de l’acte, dépendront vos chances d’exiger la totalité, de la somme placée sous séquestre et éventuellement de l’indemnité d’immobilisation (représentant souvent le double de la somme sous séquestre).

Enfin, sachez que la plupart des « promesses » rédigées par les agences prévoient que si l’acquéreur refuse de signer l’acte authentique, les honoraires de l’agent restent dus.

Ainsi, nombre d’agences continuent également à se désigner comme séquestre et donc garante de la représentation des sommes versées au moment de la signature de la promesse à titre de garantie (cf ci-dessus).

Une telle pratique rend plus difficiles les négociations, qui doivent alors inclure l’agence chez laquelle la somme a été placée sous séquestre et qui ne renoncera pas nécessairement à solliciter le paiement de ses honoraires.

En outre, dans certains cas, il peut arriver que l’agence immobilière prenne faits et cause pour la partie défaillante (que ce soit le vendeur ou l’acquéreur) par sympathie (par exemple lorsque le refus de signer l’acte authentique par l’acquéreur est dû à un évènement personnel dramatique).

Il n’en reste pas moins qu’en cas de litige avec l’acquéreur, il conviendra alors, dans cette hypothèse, d’assigner non seulement l’acquéreur, mais également l’agence, afin d’éviter un nouveau litige, cette fois avec l’agence, concernant le déblocage des sommes séquestrées par ses soins (ce qui ne serait pas le cas si les sommes étaient séquestrées par le Notaire).

Il faudra également envisager d’assigner l’agence immobilière en cas de rédaction ambiguë de la clause relative aux conditions suspensives, parfois rédigée un peu hâtivement par certaines agences (qui ne sont pas juristes).

Ainsi, en conclusion, pour limiter au mieux les risques, il semble préférable de faire appel à un Notaire pour la rédaction de la promesse de vente, ou à minima, de solliciter la relecture de son Avocat.

Enfin, en cas de litige, comme vous avez pu le lire, votre Avocat saura certainement trouver des arguments pour vous défendre et ce, dès la phase amiable.

 

Enfin, une dernière remarque : seuls les échanges entre Avocats sont couverts par la confidentialité. Attention, donc, si vous vous lancez seul (ou avec l’aide d’un tiers) dans une tentative de négociation amiable : il sera ensuite quasiment impossible de revenir sur vos propositions qui pourront être produites au Juge contre vous par la partie adverse, si les négociations échouent et que le litige est porté devant un tribunal.