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Le 28 avril 2020, le Gouvernement a présenté à l’Assemblée Nationale la stratégie nationale de déconfinement « avec une différenciation selon les territoires ».

Le Gouvernement a annoncé un déconfinement progressif à partir du 11 mai 2020, à la condition toutefois que les indicateurs attendus soient au rendez-vous avant cette date (indicateurs notamment basés sur le nombre de nouveaux cas par jour).

A défaut, le déconfinement pourrait être repoussé ou se fera plus « strictement ».

Un point sera fait sur ces indicateurs le 7 mai 2020. La vérification des indicateurs sera opérée « département par département » selon les critères suivants :

– si les cas nouveaux de covid restent élevés sur 7 jours
– en fonction des capacités hospitalières en réanimation
– si le système local de tests est suffisamment prêt

Le plan de déconfinement s’articule autour 3 axes principaux : protéger, tester, isoler. Celui-ci est principalement basé sur des tests massifs (700 000 tests virologiques par semaine à partir du 11 mai) et l’isolement des personnes contaminées.

Une application de tracking « StopCovid » en cours d’élaboration, fera l’objet d’un débat spécifique et d’un vote.

Toute personne testée positive sera « immédiatement isolée ».

Le plan gouvernemental sera à adapter « localement » ; la circulation du virus n’étant pas « uniforme dans le pays ».

Le déconfinement pose question pour les employeurs et salariés.

En application des articles L.4121-1 et L.4121-2 du Code du travail l’employeur doit « prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».

La date du 11 mai 2020 marquera-t-elle un retour des salariés dans les entreprises ? Quels changements sont à prévoir ?

1/ Le télétravail peut-il être imposé aux salariés après le 11 mai 2020 ?

Dans le cadre du confinement en raison du Covid-19, le télétravail est devenu la règle. Celui-ci peut être mis en place sans aucun formalisme et sans l’accord du salarié. L’entreprise peut cependant matérialiser ce passage temporaire au télétravail par écrit, sans recourir à un avenant.

Bien qu’un déconfinement progressif ait été annoncé à partir du 11 mai 2020, le télétravail peut être recommandé et maintenu au-delà de cette date.

En effet, le gouvernement a déclaré qu’après le 11 mai 2020, les gestes barrières et la distanciation sociale devront davantage encore être respectés.

Toujours selon les déclarations du Gouvernement du 19 avril 2020, les gestes barrières et la distanciation sociale doivent d’abord passer par le maintien du télétravail « dans toute la mesure possible ».

Le 28 avril 2020, le Premier Ministre a également déclaré que le télétravail doit être maintenu « au moins dans les trois prochaines semaines », tout en poursuivant « qu’il n’y-aura pas sur le sujet un avant et un après le 11 mai ».

L’objectif étant de « limiter le recours aux transports publics » et « les contacts ».
L’employeur étant responsable de la protection de la santé de ses salariés, un maintien du télétravail dans cette phase de déconfinement progressif doit être privilégié.

Après le 11 mai 2020, l’employeur pourra donc imposer le maintien du télétravail ou des horaires décalés.

Dans le cas où le télétravail n’est pas possible, dans le cadre de son obligation de prévention l’employeur peut modifier l’organisation du travail (aménagement d’horaires, restriction de l’accès aux locaux etc.).

Le 28 avril 2020, le Premier Ministre a expressément rappelé la possibilité de recourir à des « horaires décalés » pour notamment étaler les « flux des salariés dans les transports » et diminuer la présence des salariés sur un même espace de travail.

2/ Une généralisation des « fiches métiers »

Le gouvernement s’engage à mettre en ligne des « fiches métiers » (bonnes pratiques élaborées par les fédérations professionnelles et le ministère du Travail) pour l’ensemble des secteurs d’activité à la date du 11 mai 2020.

3/ Renforcement des gestes barrières par le port du masque

Lorsque il n’est pas possible de recourir au télétravail, l’employeur doit organiser le maintien de l’activité de sorte à préserver la santé et la sécurité des salariés.

Initialement le Gouvernement avait jugé « inutile » le port du masque pour les personnes non-contaminées. Celui-ci ne faisait donc pas partie des gestes barrières.

L’exclusion du port du masque des gestes barrières était vraisemblablement dictée par l’insuffisance des masques face aux besoins.

Compte tenu toutefois de l’obligation de sécurité de l’employeur, l’utilisation de masques alternatifs / grands publics réservés à des usages non sanitaires devrait être recommandée en particulier pour les salariés en contact avec le public. Rappelons que l’employeur doit prendre toutes les mesures de nature à assurer la protection de la santé de ses salariés.

Sans réelle surprise et dès lors que les commandes de masques ont été passées et doivent être livrées, le Gouvernement a déclaré le 28 avril 2020 qu’il « conviendra d’ajouter le port du masque dans certaines situations » en complément des gestes barrières.

Le Premier Ministre « invite » désormais les entreprises à équiper les salariés d’un masque « dès lors que la distanciation physique ne peut pas être mise en œuvre dans le cadre de l’organisation du travail ».

Le port du masque ne serait donc pas obligatoire en entreprise ?

Rien de moins sûr. En effet, le Premier Ministre a précisé que le port du masque est « une condition de la reprise » (du retour des salariés dans l’entreprise). Sans rendre expressément obligatoire le port du masque, le Premier Ministre appelle les employeurs à y recourir dès lors que les règles de distanciation ne pourront être garanties.

En toute hypothèse, il est fortement recommandé aux employeurs de prendre toutes les mesures de prévention visant à préserver la santé et éviter les risques de contamination sur les lieux de travail, dont celle de fournir aux salariés des équipements de protection : tels que le masque, du savon /gel hydroalcoolique, gants et mouchoirs jetables et autres matériels d’hygiène selon les risques liés aux postes.

Le port du masque peut donc être rendu obligatoire en entreprise.

Il est conseillé à l’entreprise d’aménager les pauses des salariés pour limiter les contacts sociaux, mettre en place des règles de distance de sécurité.

Le document unique de prévention des risques professionnels (DUEPR) doit être actualisé.
En outre, les mesures de sécuritaires prises par l’employeur doivent être présentées aux salariés comme des consignes à respecter et non comme de simples recommandations. Le salarié doit se conformer aux instructions sanitaires de son employeur.

L’employeur doit notamment former les salariés sur l’emploi des équipements de protection et les gestes barrières. Les mesures de préventions prises doivent être affichées sur les sites de travail et peuvent être diffusées par d’autres supports.

4/ Déplacements professionnels

Si les déplacements professionnels restent autorisés, depuis le 23 mars 2020 le salarié doit obligatoirement se munir de l’attestation de déplacement dérogatoire (soit un justificatif permanent soit un justificatif spécifique lorsque le déplacement ne peut être différé).

Dans le cadre du dispositif de déconfinement progressif, il sera possible de se déplacer librement les et sans motif dans un rayon de 100 kilomètres du domicile. Au-delà de cette distance, le salarié devra se munir d’une autorisation pour motif professionnel.

En outre, la capacité du métro parisien sera notablement réduite.

Il est à noter que le port du masque sera rendu obligatoire dans les transports publics ainsi que dans les taxis et VTC à compter du 11 mai prochain.

5/ Tests de dépistage, données personnelles et secret médical

L’état de santé relève en principe de la vie privée du salarié. Il en résulte qu’en principe le salarié n’a pas à révéler son état de santé à son employeur.

Toutefois, au visa de l’article L. 4122-1 du Code du travail et en vertu des obligations de loyauté et de bonne foi, le salarié doit en principe signaler à son employeur sa crainte d’être contaminé par le virus en cas d’apparition des premiers signes, afin que ce dernier puisse prendre les mesures de prévention nécessaires.

Un salarié non placé en arrêt maladie qui n’informerait pas volontairement son employeur de sa possible contamination (probable contaminant) pourrait dans certaines situations être sanctionné.

Dans le cas où l’employeur ne respecterait pas les gestes barrières, le salarié pourra en premier lieu en alerter sa hiérarchie et le cas échéant les représentants du personnel et l’inspection du travail, afin de l’appeler au respect des consignes.

L’employeur doit assurer la sécurité de ses employés.

Il peut solliciter le service de médecine au travail en cas de suspicion de contamination de salarié(s). En cas de tests, les prescriptions doivent normalement respecter le secret médical et les résultats sont communiqués uniquement aux salariés.

La médecine du travail étant désormais autorisée à pratiquer les tests, c’est donc par le service de santé au travail que les tests de dépistage du covid-19 doivent être proposés.

Selon la CNIL, l’employeur peut consigner la date et l’identité de la personne suspectée d’avoir contracté le covid-19, et les mesures organisationnelles prises afin d’en faciliter l’éventuelle transmission aux autorités sanitaires qui en feraient la demande.

L’employeur ne peut tenir des fichiers relatifs à la santé des salariés au risque d’être confronté entre autres, au principe de non-discrimination.

6/ Activité partielle et plan de déconfinement

Le dispositif spécifique de chômage partiel mis en place dans le cadre de la pandémie, est maintenu jusqu’au 1er juin 2020 pour être adapté après cette date.

7/ Réouverture des cafés et restaurants

Celle-ci sera décidée fin mai 2020, contrairement aux autres commerces qui pourront sous conditions ouvrir dès le 11 mai.

Marie-Laure ARBEZ-NICOLAS

Avocat au Barreau de PARIS